Jean Siméon Chardin, Le bocal d'olives, 1760 (Musée du Louvre, Paris)
« Il y a au Salon plusieurs petits tableaux de Chardin ; ils représentent presque tous des fruits avec les accessoires d’un repas. C’est la nature même ; les objets sont hors de la toile et d’une vérité à tromper les yeux.
Celui qu’on voit en montant l’escalier mérite surtout l’attention. L’artiste a placé sur une table un vase de vieille porcelaine de la Chine, deux biscuits, un bocal rempli d’olives, une corbeille de fruits, deux verres à moitié pleins de vin, une bigarade avec un pâté.
Pour regarder les tableaux des autres, il semble que j’aie besoin de me faire des yeux ; pour voir ceux de Chardin, je n’ai qu’à garder ceux que la nature m’a donnés et m’en bien servir.
Si je destinais mon enfant à la peinture, voilà le tableau que j’achèterais. « Copie-moi cela, lui dirais-je, copie-moi cela encore. » Mais peut-être la nature n’est-elle pas plus difficile à copier.
C’est que ce vase de porcelaine est de la porcelaine ; c’est que ces olives sont réellement séparées de l’œil par l’eau dans laquelle elles nagent ; c’est qu’il n’y a qu’à prendre ces biscuits et les manger, cette bigarade l’ouvrir et la presser, ce verre de vin et le boire, ces fruits et les peler, ce pâté et y mettre le couteau.
C’est celui-ci qui entend l’harmonie des couleurs et des reflets. O Chardin ! Ce n’est pas du blanc, du rouge, du noir que tu broies sur ta palette : c’est la substance même des objets, c’est l’air et la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau et que tu attaches sur la toile. »
Diderot, Le Bocal d'Olives et La Raie dépouillée, Chardin, Salon de 1763, p. 219
Claude Monet, Nymphéas, vers 1904 (Musée Marmottan, Paris)
Claude Monet, Meule, soleil dans la brume,1890-1891
(The Minneapolis Institute of Arts, Minneapolis)
« On comprend bien, si l’on prend en considération entre 1890 et 1891 la série de vingt-cinq toiles représentant les
Meules,
qu’il est dès lors impossible de proposer l’organisation de cette série
comme déterminée par le seul motif, que dans une semblable organisation
le motif, qui reste le même pour un grand nombre de toiles, est débordé
par le thème, thème lui-même réduit dans sa répétition à n’être plus
qu’un prétexte et à s’annuler en tant que tel. La multiplication d’un
même motif et d’un même thème tend évidemment à faire disparaître motif
et thème en tant que tels et à mettre l’accent sur tout autre chose. »
Marcelin Pleynet, Claude Monet et le naturalisme,
in Les modernes et la tradition, Gallimard, 1990
Rembrandt, Les disciples d'Emmaüs, vers 1629
(Musée du Louvre, Paris)
« […] Une merveille un peu trop perdue dans un coin du Louvre et qui peut compter parmi les chefs-d’œuvre du maître. Il suffirait de ce petit tableau de pauvre apparence, de mise en scène nulle, de couleur terne, de facture discrète et presque gauche, pour établir à tout jamais la grandeur d’un homme. Sans parler du disciple qui comprend et joint les mains, de celui qui s’étonne, pose sa serviette sur la table, regarde droit à la tête du Christ et dit nettement ce qu’en langage ordinaire on pourrait traduire par une exclamation d’homme stupéfait, sans parler du jeune valet aux yeux noirs qui apporte un plat et ne voit qu’une chose, un homme qui allait manger, ne mange pas et se signe avec componction - on pourrait de cette œuvre unique ne conserver que le Christ, et ce serait assez. Quel est le peintre qui n’a pas fait un Christ à Rome, à Florence, à Sienne, à Milan, à Venise, à Bâle, à Bruges, à Anvers ? Depuis Léonard, Raphaël et Titien jusqu’à Van Eyck, Holbein, Rubens et Van Dyck, comment ne l’a-t-on pas déifié, humanisé, transfiguré, montré dans son histoire, dans sa passion, dans la mort ? Comment n’a-t-on pas raconté les aventures de sa vie terrestre, conçu les gloires de son apothéose ? L’a-t-on jamais imaginé ainsi : pâle, amaigri, assis de face, rompant le pain comme il avait fait le soir de la Cène, dans sa robe de pèlerin, avec ses lèvres noirâtres où le supplice a laissé des traces, ses grands yeux bruns, doux, largement dilatés et levés vers le ciel, avec son nimbe froid, une sorte de phosphorescence autour de lui qui le met dans une gloire indécise, et ce je ne sais quoi d’un vivant qui respire et qui certainement a passé par la mort ? L’attitude de ce revenant divin, ce geste impossible à décrire, à coup sûr impossible à copier, l’intense ardeur de ce visage, dont le type est exprimé sans traits et dont la physionomie tient au mouvement des lèvres et au regard, - ces choses inspirées on ne sait d’où et produites on ne sait comment, tout cela est sans prix. Aucun art ne les rappelle ; personne avant Rembrandt, personne après lui ne les a dites. »
G.W.F. Hegel, Les disciples d’Emmaüs, de Rembrandt (1648),
in La peinture (Esthétique)
Rembrandt, Isaac bénissant Jacob, v. 1660, dessin
(Coll. privée, New-York)
Rembrandt, La Leçon d’anatomie du professeur Tulp
(Mauritshuis, La Haye)
Rembrandt, La Compagnie de Frans Banning Cocq et Willem van Ruytenburch,
dite la Ronde de nuit, 1642 (Nouveau Rijksmuseum, Amsterdam)
Michel-Ange, Esclave mourant, 1515 (Louvre, Paris)
Michel-Ange, Moïse, vers1513–1515
(Tombeau de Jules II, Saint-Pierre de Rome)
Apoxyomène, marbre d'après Lysippe,
(Musée Pio-Clementino, Vatican)
Discobole Lancellotti, copie romaine, vers 120 ap. J.-C.,
(Palais Massimo alle Terme)
Diadumène, marbre v. 69-96 après J.-C.
d'après Polyclète d’Argos (430 av. JC.)
(Metropolitan Museum of Art, New-York)
Apollon sauroctone, attribué à Praxitèle
(Musée du Louvre Paris)
Faune endormi, dit Faune Barberini
(Glyptothèque, Munich)
Pierre Bruegel l'Ancien, La Chute d'Icare, c. 1560 pour l'original perdu
(Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles)
Pierre Bruegel l'Ancien, Le portement de croix, 1564
(Kunsthistorishes Museum, Vienne)
Pierre Bruegel l'Ancien, Le Repas de noces, 1568
(Kunsthistorisches Museum, Vienne)
Pierre Bruegel l'Ancien, La conversion de Saint Paul, 1567,
(Kunsthistorisches Museum, Vienne)
Nicolas Poussin, Eliézer et Rébecca, 1648
(Musée du Louvre, Paris)
Nicolas Poussin, Paysage avec Polyphème, 1648
(Hermitage, Saint-Pétersbourg)
Nicolas Poussin, Paysage avec Hercule et Cacus, vers 1659-1661
(Musée Pouchkine, Moscou)
Nicolas Poussin, Paysage avec Diogène ou Diogène jetant son écuelle, 1648
(Musée du Louvre, Paris)
Nicolas Poussin, Les Bergers d'Arcadie (Et in Arcadia ego), 1638-1639
(Musée du Louvre, Paris)
Nicolas Poussin, Renaud et Armide, ver 1624-1625 (ou 1630 ?)
(Dulwich Picture Gallery, Londres)
Nicolas Poussin, Jupiter allaité par la chèvre Amalthée ou La Nourriture de Jupiter, 1640
(Gemäldegalerie, Berlin)
Nicolas Poussin, Midas devant Bacchus, 1628-1629
(Alte Pinakothek, Munich)
Nicolas Poussin, Tancrède et Herminie, 1631
(Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg)
Nicolas Poussin, L'Inspiration du poète (autrefois appelé L'Inspiration d'Anacréon),
vers 1627 (Niedersächsisches Landesmuseum, Hanovre)
Maurice Denis, Madone au jardin fleuri, 1907 (Coll.privée)
Maurice Denis, L'Annonciation, 1913 (Musée des Beaux-Arts, Tourcoing)
Maurice Denis, Décor de la chapelle du Sacré-Cœur
(Eglise Sainte-Marguerite, Le Vésinet)
Pablo Picasso, Guernica, 1937 (Musée Reina Sofía, Madrid)
Jean Siméon Chardin, Panier de fraises des bois, v. 1760 (Coll. privée)
Jean Siméon Chardin, Le bénédicité, 1740 (Musée du Louvre, Paris)
Gustave Courbet, La rencontre ou Bonjour Monsieur Courbet, 1854
(Musée Fabre, Montpellier)